Notre bleu national dépend d'un cochon ? - VOX

Notre bleu national dépend d’un cochon ?

Aujourd’hui VOX Humanitatis souhaite évoquer les circonstances, quelques peu insolites, qui ont conduit un roi de France à faire de la couleur bleu notre couleur nationale. Bleu qui est effectivement présent depuis le XIIe siècle. Et ce sont bien les bleus que l’on continu à encourager aujourd’hui dans les épreuves sportives internationales.

Contexte

Nous sommes durant le règne de Louis VI le Gros (1081-1137) qui a un pouvoir limité et une légitimité fragile. Il est vrai les premiers capétiens ne descendent pas de Charlemagne. Ils sont alors obligés de faire couronner leurs fils dès leur plus jeune âge. Cela permet de légitimer leur accession au trône, au décès du père.

Philippe, fils ainé de Louis VI le Gros, a été couronné le 14 avril 1129, à l’âge de 12 ans, dans la cathédrale de Reims. C’est un enfant en conséquence loin du commun des mortels. Philippe, est un prénom d’origine grecque qui signifie « celui qui aime les chevaux », plutôt ironique vous le verrez, au vu des circonstances de sa mort. L’héritier est décrit comme un enfant charmant à la santé florissante. Sur lui repose donc les espoirs de la dynastie capétienne. Louis VI le Gros est pour cela serein pour l’avenir de sa dynastie.

Mais le 13 octobre 1131, Philippe, le prince, alors âgé de 15 ans, est mort dans un accident de cheval. Celui-ci revenait de la chasse, accompagné d’autres cavaliers. C’est alors que le groupe s’approche de Paris où les animaux se baladent. Soudain, un cochon passe devant le groupe de cavalier ce qui surprend le cheval de Philippe. La monture se cabre, fait tomber le prince et le piétine. Le cheval perd l’équilibre et tombe sur Philippe. C’est alors que le jeune prince rend l’âme à la tombé de la nuit. La souffrance de cette nouvelle est immense pour la famille du prince comme pour le royaume entier.

Gisant de Louis VI le Gros, basilique de Saint-Denis © Wikipedia

Une Mort « Honteuse » !

L’héritier au trône de France meurt d’un accident de cheval, certes, mais provoqué par un cochon. Durant le Moyen Âge, les chutes de cheval mortelles sont fréquentes et les fils de roi qui meurent dans leur adolescence ne sont pas rares. Là, l’évènement aurait été triste mais honorable. Les chroniqueurs contemporains à l’événement qualifient de « honteux », « immonde » et « infâme » le fait de mourir à cause d’un cochon, un animal peu valorisant, qui se nourrit d’ordures, de cadavres, voire même de ses propres excréments !

Pendant plusieurs siècles on qualifie donc ce malheureux héritier de Philippus a porco interfectus (Philippe tué par un porc). Au Moyen Âge, on considère le cochon comme diabolique, symbole d’impureté et de vilénie. En effet, on attribue au cochon de nombreux vices, de la gloutonnerie à la luxure en passant par la saleté, ce qui en fait une bête satanique. Un tel décès est indigne d’un futur roi. Il est évident que seul le diable a pu mettre sur la route de Philippe un cochon. Mais alors, comment Dieu a-t-il pu laisser cela se passer sans réagir ? C’est une souillure portée à la famille royale qu’il va falloir effacer.

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Enluminure représentant la mort accidentelle de Philippe de France © Wikipedia

Le Cochon, Source d’une Malédiction sur la Dynastie ?

A la mort de l’héritier au trône, le plus important est de faire sacrer le nouvel héritier : Louis. Mais lui est différent de son frère ainé. Il préfère le calme des abbayes et la chasse aux sangliers dans la forêt n’est pas son passe-temps favori. C’est un jeune garçon tourné vers la piété, qui était d’ailleurs destiné à entrer dans la vie religieuse. Mais comme son grand-frère, il est couronné à Reims le 25 octobre 1131, à l’âge de 11 ans, 12 jours après la mort de son frère.

Son père, Louis VI, qui ne se remet pas de la mort de son premier fils, meurt en août 1137. Louis, alors âgé de 17 ans, monte sur le trône sous le nom de Louis VII. Celui-ci, mal préparé aux hautes responsabilités qui l’attendent et n’appréciant pas sa nouvelle situation, doit trouver une femme pour donner un héritier à la couronne. Il se marie donc à Aliénor d’Aquitaine, héritière d’immenses territoires à l’Ouest du royaume. Mais les conjoints sont trop différents. Pire, Aliénor accouche de 2 filles. Après quelques années de mariage, Louis VII n’a pas d’héritiers.

De plus, le peuple méprise Louis VII. Après de nombreuses mésententes avec le pape, celui-ci l’excommunie, ce qui est la pire sentence pour un chrétien. D’autant plus que l’excommunication du roi touche également toute sa population. S’ajoute à cela un drame. Lors d’une opération militaire menée contre un seigneur rebel, les troupes du roi mettent le feu à une église où s’était réfugiée la population. 1000 civils désarmés périssent dans la maison de Dieu. Louis VII a le sentiment d’avoir péché. Le roi souhaite alors revenir en grâce aux yeux du seigneur pour purifier sa lignée souillée depuis la mort de son frère.

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Couronnement du roi Louis VII en 1137. Enluminure du XIVe siècle. © Wikipedia

Le Fiasco de la Deuxième Croisade

Louis VII décide de partir en croisade pour la Terre Sainte, là où Jésus a vécu. En effet, cela fait 50 ans que la ville de Jérusalem a été conquise par les croisés, mais les Etats latins restent harcelés par les puissances musulmanes voisines qui cherchent à conquérir cette terre. Louis VII veut donc conforter la présente chrétienne en terre sainte et faire reculer les musulmans. L’expédition, qui dure 3 ans, s’achève dans un désastre avec des pertes humaines innombrables et aucunes conquêtes. Au contraire, elle permet aux musulmans de s’unir sous une même bannière pour reconquérir Jérusalem.

Aliénor, qui était aussi du voyage, assiste à un tel fiasco, ce qui signe la fin de leur mariage. Les deux ne se supportent plus et au retour des croisades ils demandent l’annulation du mariage. Une décision qui aura des conséquences catastrophiques… Aliénor se remarie avec l’héritier au trône d’Angleterre : Henri Plantagenet. L’Ouest du royaume de France se retrouve alors dans les possessions de l’empire Plantagenet qui va de l’Angleterre aux Pyrénées, à côté, le royaume de France fait tache. Louis VII est mortifié par cette situation de revers, son règne est l’un des pires de l’histoire. Il se sent écrasé par la malédiction du cochon.

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Louis VII et l’empereur Conrad III lors de la deuxième croisade. Enluminure du XIVe siècle. © Bibliothèque nationale de France.

Je Vous Salue Marie …

Pour Louis VII, la solution ne réside alors pas sur terre, mais dans le ciel. Mais les prières adressées à Dieu ne mènent à rien. Il pense alors implorer la Vierge Marie, qui jusque-là était un personnage secondaire de la religion. Elle devient centrale dans le christianisme à partir du XIIe siècle. Louis VII appartient à cette nouvelle génération qui la vénère profondément. Et de toute évidence, il a tissé une intense relation avec elle. Une des filles qu’il a eu avec Aliénor s’appelle justement Marie. Et c’est la première fois qu’on donne ce prénom à un membre de la famille royale.

Au retour de croisade, la nouvelle ambition de Louis VII est de faire de Marie la reine éternelle de la France. C’est alors que la monarchie française s’arroge de 2 attributs de la Vierge. La fleur de lys, symbole de pureté et la couleur bleue azur, un bleu intense qui incarne la lumière divine venue du ciel. Si Marie est la reine des cieux, le royaume qu’elle protège se place sous sa bannière bleue. Enfin ! Cette couleur bleue semble avoir porté chance à Louis VII. Après un troisième mariage, avec Adèle de Champagne, il a un fils, le futur souverain Philippe Auguste. Philippe Auguste étant considéré comme le premier grand roi de France.

LE BLEU - Le bleu azur de la tunique de la Sainte Vierge Marie
Enluminure d’un manuscrit représentant la Vierge Marie à l’enfant. © Wikipedia

Si vous voulez en savoir plus sur la raison de cette couleur que porte la Vierge Marie, vous pouvez regarder cette courte vidéo qui l’explique très bien !

Le Bleu dans l’Histoire

A cette époque, au XIIe siècle, le bleu reste encore une couleur relativement discrète. Mais cette couleur entame cependant une ascension extraordinaire encouragée par le roi Louis VII. Le blason des Capétiens devient un des premiers à arborer cet azur. En principe les armoiries sont composées de jaune, de blanc ou de rouge. Et partir de Louis VII, les rois commencent à se vêtir de bleu. Saint Louis (Louis IX) en assurera la promotion dans toute l’Europe.

Imaginez la révolution chromatique ! Jamais Charlemagne ne se serait mis en bleu. Cette couleur qui incarne la pureté mariale (de Marie) devient celle des Capétiens. Au XVIIIe siècle, les soldats français portent des uniformes bleus tandis que les britanniques sont vêtus de rouge. Et la Révolution ne change rien à cette symbolique. Les républicains sont appelés les bleus alors que les royalistes sont désignés comme les blancs en référence au front blanc du pavillon des Bourbons. Aujourd’hui encore, nos militaires qui plient le drapeau tricolore ont la consigne de laisser le bleu sur le dessus. 

Blason des Capétiens à partir du XIIe siècle.

Le Bleu de Notre Drapeau Tricolore

On dit que notre drapeau tricolore, né pendant la Révolution, représente le blanc du drapeau de Louis XVI encadré par les couleurs bleu et rouge de Paris. Ce bleu, devenu marine, mais qui provient bien du pouvoir royal et par conséquence de la Vierge Marie.

Toutefois, sous sa présidence, Valéry Giscard d’Estaing fait changer ce drapeau hérité de 1793 par un bleu azur. Le même que celui du drapeau de l’Europe, pour que les deux drapeaux s’harmonisent. Mais en 2020, le président Emmanuel Macron fait encore changer la couleur du bleu. Il revient au bleu marine qui est censé être le même que celui du drapeau de 1793 et qui rendrait aussi hommage à notre marine nationale.

En haut, le drapeau sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. En bas, le drapeau sous la présidence d’Emmanuel Macron.

C’est au XIXe siècle que la France se disait fille ainée de l’Eglise, mais elle est surtout la plus fervente protégée de Marie !

 

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